Réglementaire : Que faire dans le pire des cas
L'épidémie de Covid-19 a donné lieu à de nombreuses questions juridiques. Les questions suivantes sont particulièrement pertinentes dans le domaine du droit public et réglementaire.
Pas d'état d'urgence
- La Constitution belge ne contient pas en tant que telle de disposition permettant au gouvernement de proclamer l'état d'urgence en cas d'aggravation de l'épidémie. En revanche, dans certains de nos pays voisins, il existe une disposition constitutionnelle spécifique régissant l'état d'urgence, comme l'article 16 de la Constitution française.
Cependant, la loi sur la sécurité civile de 2007 et les arrêtés royaux du 31 janvier 2003 et du 22 mai 2019 relatifs aux plans d'urgence nationaux et locaux prévoient une base juridique pour les mesures prises au niveau local (maires et gouverneurs provinciaux) avec un large pouvoir de l'exécutif fédéral pour émettre des directives contraignantes.
À cet égard, le gouvernement belge a adopté le 12 mars 2020 un tel plan avec des mesures ambitieuses, telles que la suspension des cours dans les écoles, la fermeture des bars et des restaurants jusqu'au 3 avril 2020 (les épiceries et les pharmacies sont exclues desdites mesures).
Pouvoirs de la police
- En cas d'inquiétudes accrues en matière de santé publique, les autorités municipales peuvent décréter des ordonnances de police limitant l'accès aux espaces publics, tels que les écoles, les garderies, les maisons de repos, les installations sportives fermées et les bâtiments municipaux.
- Les restrictions d'accès peuvent aller jusqu'à interdire l'accès à ces espaces à toute personne revenant d'un voyage personnel ou professionnel dans une zone à haut risque (voir par exemple : la décision du 1er mars 2020 du bourgmestre de Woluwé-Saint-Lambert et sa modification du 5 mars 2020; les mesures municipales de la ville de Louvain (mise à jour le 13 mars 2020) et la décision du 12 mars 2020 du bourgmestre de Maaseik (Limbourg), interdisant l'accès à l'espace public. p.ex. les événements culturels).
- Les arrêtés de police municipaux sont des actes administratifs contre lesquels un recours en annulation peut être introduit devant section du contentieux administratif du Conseil d'État dans un délai de 60 jours à compter de la connaissance de l'arrêté.
- Il est toutefois peu probable que l'arrêté de police municipale susmentionné soit annulé vu les circonstances extraordinaires sur lesquelles il se fonde.
Responsabilité civile des autorités publiques
- Les mesures de santé publique contre le coronavirus pourraient engager la responsabilité civile de l'État en vertu de l'article 1382 du Code civil.
- Les autorités publiques, lorsqu'elles adoptent des mesures pour lutter contre le Covid-19, peuvent en effet engager leur responsabilité civile.
- Les citoyens pourraient être mis en quarantaine à tort, par exemple, auquel cas ils pourraient saisir les tribunaux afin d'obtenir des dommages et intérêts de la part de l'autorité publique.
- Les autorités publiques ont un devoir général de diligence pour fournir des informations correctes en temps utile. Si elles ne le font pas dans le contexte de l'épidémie de coronavirus, elles peuvent engager leur responsabilité civile si elles ne sont pas en mesure de démontrer qu'elles ont agi comme on l'attend d'une autorité publique raisonnablement prudente dans ces circonstances.
Marchés publics
- Compte tenu des circonstances extraordinaires engendrées par le coronavirus, les autorités publiques ont la possibilité de lancer des appels d'offres en utilisant la procédure négociée sans publication préalable.
- L'article 42 de la loi sur les marchés publics 2016 permet de recourir à cette procédure plus souple, lorsque cela est strictement nécessaire, si les exigences de la procédure ouverte ou restreinte ou de la procédure compétitive avec négociation ne peuvent être satisfaites en raison de l'urgence consécutive à des événements imprévus.
- Les pouvoirs adjudicateurs pourraient utiliser la procédure négociée sans publication préalable d'un appel d'offres pour le personnel de santé publique, par exemple.
- Le 6 mars 2020, le Conseil des ministres a adopté "10 mesures de soutien à l'industrie". L'une de ces mesures comprend "la flexibilité dans l'exécution des marchés publics fédéraux". Cette mesure implique (probablement) qu'aucune amende, sanction ou pénalité immédiate ne serait appliquée dans le cas où un opérateur économique démontre que les difficultés dans l'exécution d'un appel d'offres sont dues au coronavirus ou aux mesures qu'il a occasionnés.