Entre 2023 et 2032, on s’attend, selon Euroconsult, à ce que près de 2800 satellites soient lancés chaque année, soit presque huit par jour. Dans ce contexte, il est crucial que le droit spatial, au niveau international, national et européen, protège notre sécurité et nos intérêts économiques.
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Sécurité
La dépendance croissante à l’espace nous rend plus vulnérables. Cette année, par exemple, la Russie a lancé un satellite qui, d’après les États-Unis, pourrait être utilisé comme arme pour détruire d’autres satellites. Ce satellite russe partage d’ailleurs la même orbite basse autour de la Terre qu’un satellite gouvernemental américain. Certains États ont développé des capacités d’attaque contre des infrastructures spatiales critiques et disposent de technologies antisatellites pouvant perturber les services spatiaux.
Pour répondre à ces menaces, l’Union européenne a annoncé l’an dernier sa première stratégie spatiale pour la sécurité et la défense (EU Space Strategy for Security and Defence) . Elle comprend deux projets pilotes majeurs : la mise en place de services de sensibilisation au domaine spatial (space domain awareness) et le développement d’un nouveau service d’observation de la Terre. Ces initiatives visent à détecter les comportements inappropriés dans l’espace et à protéger les actifs européens.
Les quatre principaux traités spatiaux de l’ONU (le UN Outer Space Treaty, le Rescue Agreement, le Liability Convention en le Registration Convention) ont été établis pour des raisons de sécurité pendant la Guerre froide, entre 1967 et 1976. Ils prévoient des accords internationaux qui permettent aux États d’explorer librement l’espace et de l’utiliser à des fins pacifiques. Les États ne peuvent revendiquer la souveraineté sur (des parties de) la lune ou d’autres corps célestes, car l’espace appartient à tous. Cependant, dans le contexte géopolitique et économique actuel, ces principes de droit international semblent perdre de leur influence.
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Activités spatiales commerciales
L’essor des activités commerciales dans l’espace entraîne des risques croissants : collisions de satellites, échecs de lancement, et effets néfastes sur l’environnement, tant sur Terre que dans l’espace. Fait surprenant, les traités de l’ONU répondent de manière limitée à ces risques, et de plus en plus de pays adoptent des mesures concrètes dans leur législation spatiale nationale.
En cas de sinistre dans l’espace ou sur Terre, par exemple, la politique nationale détermine dans quelle mesure le contribuable en supportera les conséquences financières. Le Traité des Nations unies sur l’espace stipule uniquement que les États sont mutuellement responsables des dommages, même si ceux-ci sont causés par des particuliers ou par des entreprises privées. La prise en charge finale du sinistre varie d’un pays à l’autre. Au Luxembourg, l’opérateur est responsable financièrement des risques de ses activités spatiales, en prévoyant soit des fonds propres, soit une assurance ou une garantie bancaire.
La législation nationale est également essentielle pour les avocats spécialisés en fusions et acquisitions (M&A). La loi spatiale luxembourgeoise impose, par exemple, une autorisation ministérielle pour la cession d’une activité spatiale autorisée, ou lorsqu’une cession de droits personnels ou réels modifie le contrôle d’un objet spatial. Dans certains cas, même la cession d’actions d’entreprises spatiales (changes of control) doit être notifiée à l’avance pour permettre au ministre de s’y opposer le cas échéant.
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Durabilité
La protection de l’environnement, aussi bien sur Terre que dans l’espace, est une préoccupation majeure des décideurs politiques, de l’opinion publique et de l’industrie aérospatiale. Qu’advient-il des déchets spatiaux qui flottent de manière incontrôlée dans l’espace après une collision ? Ou les satellites désactivés à cause de pannes ou après une mission terminée ? Ceux qui lancent et exploitent des satellites aspirent à une « orbite dégagée ». La présence de projectiles incontrôlés pose un risque réel.
Une future loi spatiale européenne doit répondre à ces préoccupations et inclure des mesures pour une utilisation sûre, résiliente et durable de l’espace. La gestion coordonnée du trafic spatial (space traffic management) et des obligations d’immatriculation supplémentaires pour éviter les collisions entre satellites sont en discussion. L’introduction d’un label « safe space », similaire au concept d’écolabel, est également envisagée.
Avec ces nouvelles règles, l’Union européenne vise à créer un marché unique de l’espace (single market), tout en préservant la compétitivité de son industrie aérospatiale. Les règles seront appliquées de manière proportionnelle, tenant compte à la fois des start-ups et des grandes entreprises. Les entreprises non européennes opérant dans l’Union européenne devront également s’y conformer.
Bien que beaucoup considèrent qu’une législation spatiale européenne soit indispensable, elle reste controversée. Les compétences limitées de l’Union européenne en matière de politique spatiale pourraient poser des obstacles, et le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne exclut toute harmonisation dans ce domaine. La publication de la proposition de loi a déjà été reportée deux fois et est très attendue.
Le droit de l’espace est donc essentiel non seulement pour protéger notre sécurité et nos intérêts économiques, mais aussi pour promouvoir la durabilité, aussi bien dans l’espace que sur Terre. Avec l’augmentation prévue du nombre de satellites et la dépendance croissante aux services spatiaux, l’importance d’une réglementation efficace et novatrice ne cesse de croître.
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Cet article a été publié dans l'édition de novembre 2024 de Agefi Luxembourg.